Dépasser le cartel, construire une autre gauche

Le Front de gauche a vécu. S’il a permis de poser les bases d’une politique de gauche alternative, il a échoué à représenter cette alternative, non seulement aux yeux d’une majorité de la population, des millions d’électeur-trice-s qui avaient pourtant voté pour son candidat en 2012, mais aussi parmi les franges les plus organisées, militant-e-s des partis, syndicats, associations et autres mouvements, anciens et nouveau, du peuple de gauche dans toute sa richesse et sa diversité.

Toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent toujours dans l’objectif stratégique qu’il s’était fixé (contester l’hégémonie à gauche du PS social-libéralisé et devenir majoritaire à gauche et dans le pays), dans ses grandes lignes stratégiques et programmatique (unité, autonomie, mobilisation citoyenne), ont aujourd’hui la responsabilité de construire autrement, sur de nouvelles bases, une autre gauche.

Une gauche véritablement antiraciste et solidaire, qui s’adresse sans sectarisme à tous les courants, mouvements et réseaux qui (se) mobilisent aujourd’hui contre les discriminations, pour l’égalité des droits et la justice pour tou-te-s, pour mener ensemble de grande campagnes populaires contre la déchéance de nationalité, la répression des migrant-e-s, le contrôle au faciès et les violences policières…Une gauche activement anti-guerre et internationaliste, capable d’opposer aux stratégies impérialiste de son propre Etat une politique de paix et de justice. Une gauche profondément démocratique qui dépasse le cartel organisationnel pour systématiquement donner la parole et le pouvoir aux citoyen-ne-s et aux militant-e-s.

Cette autre gauche est nécessaire et possible. Mais elle ne se construira pas en reprenant les mêmes mécanos politiques fabriqués par en haut qui nous ont menés à l’échec. Elle se reconstruira dans les fronts de lutte unitaires (contre la guerre, l’austérité, l’état d’urgence démocratique et climatique, l’islamophobie et la xénophobie…), les collectifs locaux de résistance, les mouvements alternatifs qui inventent chaque jour la gauche de demain. Et elle devra converger dans lors des échéances électorales, en premier lieu celles de 2017, non pas à l’issue d’interminables tractations d’appareils, mais à l’initiative d’une grande mobilisation citoyenne qui déterminera le contenu et la représentation d’un projet politique en construction permanente et à vocation majoritaire.

C’est ici et maintenant que tout commence.

Une video, deux textes et deux mobilisations à venir

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A voir : quelques moments du meeting du 6 mars contre l’islamophobie à la Bourse du Travail de Saint-Denis (93). Avec Youssef Boussamah, Catherine Samary, Samy Debah, Omar Slaouti, Ndella Paye et plein d’autres camarades trop bien trop bien.

A lire : l’intervention de Michèle Sibony pour l’UJFP à ce même meeting (c’te meuf fait plus pour combattre l’antisémitisme que le Crif et tout l’appareil d’Etat français réunis), et l’alloctution d’Houria Bouteldja sur “Racisme (s) et philosémitisme d’Etat ou comment politiser l’antiracisme en France ?” prononcée à Oslo, le 3 mars 2015, lors de la conférence « Minorités, nationalisme et États-Nations ».

A faire : rassemblement ce dimanche 15/03, 14h30, à Paris Trocadéro pour la journée internationale contre les violences policières, et manif samedi 21/03, 15h, à Paris Barbès, pour la journée mondiale contre le racisme.

L’égalité ou rien.

Les rdv de fin de semaine : meeting antiraciste, action et manif (afro)féministes

– Vendredi 6 mars, 19h, bourse du travail de Saint-Denis (93) : meeting contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire, à l’appel de plus de 70 organisations. Plus d’infos ici sur la page Facebook de l’évènement.

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– Samedi 7 mars, 14h, mairie de Montreuil (93) : action “Incroyable reloud #2”, organisée par le collectif “Stop harcèlement de rue”. Plus d’infos ici sur la page Facebook de l’évènement.

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– Dimanche 8 mars, 14h, Belleville (75) : manifestation (mixte) pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, à l’initiative du collectif “8 mars pour touTEs ! ça continue” et appelée par plusieurs dizaines d’autres organisations, dont le collectif “Mwasi” qui organisera un cortège afrofeministe. Plus d’infos ici sur la page Facebook de la manif et ici sur la page Facebook du cortège afrofeministe.

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Interview with French Leftist Danièle Obono about the impact of the recent attacks – Scottish Left Project

L’interview (en anglais) que j’ai donné au Scottish Left Project à propos de la situation politique en France depuis les attentats 11 janvier à lire ci-dessous ou en ligne ici.

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Des mobilisat° à ne pas manquer et qq liens à suivre

Mardi 20 janvier, 13h30, au TGI de Paris : rassemblement de soutien à Saidou (groupe ZEP) et Saïd Bouamama, mis en examen suite à la plainte de l’AGRIF, groupe d’extrême-droite nostalgique de l’Algérie française, pour avoir produit et fait paraître le livre-CD « Nique la France ! Devoir d’insolence » 

Dimanche 8 février, Paris : initiative contre l’islamophobie

Samedi 28 février, 14h, Paris : marche anticoloniale & antiraciste, solidaire des peuples en lutte, dans le cadre de la semaine anticoloniale 2015

– “Mes élèves, un drame et des mots”, Chouyo, 14 janvier 2015

– “Dérapage raciste chez Morandini : heureusement Porte était là”, Arrêt sur images, 16 janvier 2015

– “Charlie Hebdo : la lutte décoloniale plus que jamais à l’ordre du jour”, PIR, 17 janvier 2015

– “Charlie vu par les Arabes et les Noirs des quartiers”, PIR, 19 janvier 2015

– “Tueries à Charlie Hebdo et porte de Vincennes : ne pas s’interdire de réfléchir, agir pour ne pas subir”, Julien Salingue, 19 janvier 2015

Et hop hop hop, en route pour le meeting en soutien à Syriza. Parce que ça, ça donne un peu d’espoir quand même….

Plus que jamais, il faut combattre l’islamophobie

Excellente tribune de Saïd Bouamama (sociologue), Houria Bouteldja (PIR), Ismahane Chouder (CFE), Alain Gresh (journaliste), Michèle Sibony (UJFP) et Denis Sieffert, (Politis.), parue aujourd’hui sur Le Monde.fr. A lire et à faire lire.

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L’après 11 janvier (suite) : deux mobilisations à soutenir, un strip et quelques textes à méditer

– Dimanche 18/01 à Paris : manif/rassemblement contre l’islamophobie

– Mardi 20/01, 13h30 au TGI de Paris : procès de Saidou & Said Bouamama

– “On satire”, Joe Sacco, 9 janvier 2015

– “Halte à l’instrumentalisation de l’émotion : refusons la mascarade de l’unité nationale”, FUIQP, 10 janvier 2015

– “Nous vivons une Affaire Dreyfus à l’envers…”, Serge Grossvak, 12 janvier 2015

– “De quoi Charlie est-il le nom?”, Faysal Riad, 13 janvier 2015

– “Nous sommes tous des hypocrites”, Pacôme Thiellement, 13 janvier 2015

– “Charlie à tout prix?”, Lordon le grand, 13 janvier 2015

Pleurer. Organiser.

Un camarade écrivait dernièrement à propos de la grande célébration républicano-nationale , véritable « manif pour tou-te-s », d’aujourd’hui : « Marche silencieuse derrière les bouchers de la planète. C’est la gauche qu’on enterre ? ». Enterrement de première classe, en effet.

Au cours de ma déjà un peu longue vie militante, j’ai beaucoup ri (si, si) et un peu beaucoup pleuré (quand même).

J’ai pleuré les camarades partis les premiers. Trop tôt, toujours trop tôt. Aguirre. Yann.

J’ai pleuré les séparations politiques. La P4. La bande d’Avignon : Nora, Abdel, Ilham. Le NPA.

J’ai pleuré les causes politiques, les nombreuses défaites, les quelques victoires.

La Palestine. Mandela. Obama.

Au cours des dernières 72 heures, j’ai pleuré, un peu, beaucoup, quand même.

J’ai pleuré, un peu, jeudi.

En pensant aux 12 personnes mortes. Aux centaines d’autres qui ne seront pas pleuré-e-s. Aux flambées d’amalgames, d’attaques, d’insultes, d’humiliations, de violences et aux difficiles batailles à venir.

En passant sans m’arrêter devant le rassemblement à la mairie de Montreuil où se trouvait peut-être ma chère Capucine. En faisant ma correspondance sans m’arrêter à République où se trouvaient déjà certainement de nombreux autres camarades. En pensant que je ne pouvais tout simplement pas m’arrêter pour les rejoindre et partager avec eux ma peine et ma force. En pensant qu’il y a quelques années encore, je me serais arrêtée. Je les aurais rejoins. Comme ce 21 avril, il y a 13 ans.

Mais plus maintenant. Plus maintenant. Parce que, entre autres, Charlie, justement…

J’ai pleuré la solitude immense, le sentiment d’avoir perdu, encore un peu plus, peut-être définitivement,  ma gauche.

En pensant à la personne que j’étais à 15 ans, il y a si longtemps maintenant, qui lisait Charlie et Le Canard les mercredis, à la bibliothèque municipale. Qui riait, un peu, ici et là. Qui organisait avec quelques autres, quelques temps plus tard, sa première manif, au lycée, contre la présence du Front national dans nos murs.

J’ai pleuré en écoutant pleurer ma Brune, qui a aimé Charlie, à 15 ans, il y a si longtemps maintenant.

Je n’ai pas pleuré Charlie.

J’ai pleuré, un peu, beaucoup, dans la nuit de samedi à dimanche.

Entourée des quelques ami-e-s et camarades avec qui nous formons désormais une nouvelle minorité : Pablo, Mandana, Félix…portant dans mes bras mon beau Nino.

En pensant aux ami-e-s et aux camarades qui sont devenu-e-s Charlie.

En ressentant l’insupportable violence politique, idéologique, symbolique de l’omniprésente et omnipotente injonction.

En lisant la liste interminable des terroristes venu-e-s des quatre coins de la planète et derrière lesquel-le-s allaient défiler ces Charlie.

En pensant à l’Enfer pavé de bonnes intentions. A l’ « humanisme compassionnel » et les « bons sentiments » comme justifications de l’action politique. A la fleur au fusil. A la guerre en chantant.

J’ai pleuré en pensant à la signature de l’organisation à laquelle j’appartiens, dont je suis encore formellement une des dirigeantes, apposée à côté de celle de l’UMP pour appeler à cette manif en proclamant « Nous sommes Charlie : Défendons les valeurs de la République ! »

En pensant au si petit nombre de camarades signataires de la déclaration « Nous n’irons pas à la manif ce dimanche » et au si petit nombre d’autres qui l’ont inspirée et rendue possible. Merci Julien, Stathis, Nico, Antoine.

En lisant le tract du PCF/Front de gauche appelant noir sur blanc à l’unité nationale. En me rappelant l’émotion ressentie, aux côtés de Pierre et Jean-Luc, fendant la foule de plus de 6000 personnes pour rejoindre la tribune du meeting, ce mardi soir 7 février 2012 à Villeurbanne. En me rappelant les mots de Jean-Luc, à cette autre manif, incroyable, immense, magnifique, ce 18 mars 2012 : « On se cherchait, on s’espérait, on s’est retrouvé ! ». Et on s’est reperdu…

J’ai pleuré en pensant à tous les reculs, toutes les défaites, tous les choix et les décisions politiques des 10-15 dernières années qui nous ont amenés à ce point.

A toutes les jeunes filles exclues (ou poussées vers la sortie) de l’école, du parti, des manifs. Humiliées, insultées, sans recevoir notre soutien ni notre solidarité majoritaires. Voire avec l’assentiment ou à l’instigation de certain-e-s des nôtres.

A toutes les fois où ma gauche s’est refusée de parler d’islamophobie, de ne serait-ce que prononcer le mot. Toutes les fois où elle s’est refusée à se mobiliser contre les lois islamophobes.

Toutes les fois où des camarades ont défendu, mordicus, les caricatures racistes de Charlie Hebdo ou les propos de Caroline Fourest au nom de la « liberté d’expression » (des Blanc-he-s/dominant-e-s) ou de la laïcité « à la Française ». Mais se sont opportunément tu-e-s quand l’Etat s’est attaqué à Dieudonné, voire ont appelé et soutenu sa censure…

Toutes les fois où des « camarades » nous ont sommé-e-s, nous les « islamo-gauchistes », de montrer patte blanche et d’affirmer avant toute autre chose que nous luttions bien contre l’antisémitisme. Toutes les fois que d’autres nous ont carrément, à mots plus ou moins couverts, traité-e-s d’antisémites.

J’ai pleuré en me rappelant le jour où je me suis devenue Noire. Et celui où je suis devenue « intersectionnelle ». La première fois que j’ai été face à face avec le racisme et les privilèges de Blanc-he-s de celles et ceux que je considérais dans leur majorité comme mes « camarades ». L’instant où je me suis rendue compte qu’il y avait bien un « eux » et un « nous » et que j’étais aussi « eux », ces « Autres », et pas tout le temps « nous ». Le moment où je me suis fait dire que j’étais, à la rigueur, « légitime » pour m’occuper de tels sites, assemblées, thématiques et autres commissions mais certainement pas pour représenter ma sensibilité dans certaines instances de direction ou à la tribune de meetings ou de manifs.

J’ai pleuré le suicide de ma gauche. J’ai pleuré les prochaines luttes, encore plus dures, qu’il faudra mener, y compris contre cette gauche-là. J’ai pleuré le sentiment que, pour partie, je ne regrettais pas d’avoir perdu cette gauche-là.

Aujourd’hui, j’organise.

La (re)mobilisation antiraciste. En commençant par soutenir l’appel à manifester le 18 janvier prochain, jour du sommet à Washington entre ministres européens et états-unien « contre le terrorisme » et de la manif islamophobe d’extrême-droite à Paris. Manifester contre l’islamophobie, l’antisémitisme, tous les racismes. Manifester contre l’union sacrée nationale d’Hollande-Valls-Sarkozy, et contre l’union sacrée internationale de la « guerre de civilisation contre le terrorisme ». Manifester pour l’égalité des droits et la justice pour tou-te-s, pour l’émancipation collective et individuelle.

A dimanche prochain à la manif, camarades.

Fighting austerity and racism to defeat the far-right in France

Ci-dessus, la retranscription (en anglais) de mon intervention introductive au débat “Ukip : The resistible rise of the right” lors du Dangerous Times festival organisé le 31 mai et 1er juin dernier à Londres par l’organisation de la gauche radicale britannique Counterfire.

Vous pouvez également lire ici (en anglais) le compte rendu des débats du week-end « Dangerous Times festival : a celebration of resistance », et consulter ici le live blog des tweets, photos et vidéos des différents débats.

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